
Lundi 15 Mars, une délégation militaire rwandaise a furtivement débarqué à l’aéroport de N’djili à Kinshasa. Elle était conduite par le Général Jean-Bosco Kazura, Chef d’état-major général de l’armée rwandaise. Son objectif principal était de négocier les contours d’une nouvelle coopération militaire dans l’Est de la RDC renseigne The Africa Report.
Le journal poursuit qu’une série de pourparlers intenses, entre la délégation militaire rwandaise et les services de sécurité congolais, a eu lieu du 15 au 19 Mars. François Beya, « Monsieur Sécurité » du Président de la RDC, Félix Tshisekedi, et Jean Bosco Kazura, chef d’état-major de la Force de défense du Rwanda (RDF), ont passé en revue les décisions prises lors de leur précédente réunion. En effet, cette dernière avait eu lieu à Kigali, du 12 au 14 février, pour élaborer une stratégie commune visant à traiter les questions liées à la sécurité dans leurs deux pays.
Pierre Boisselet, coordonateur du Baromètre sécuritaire du Kivu basé à New-York, indique que depuis le début de cette année, les échanges entre les services de sécurité congolais et rwandais se sont significativement intensifiés. La rencontre de ce mois de mars à Kinshasa est déjà la troisième de 2021.
A Kigali en février Francois Beya, conseiller spécial en matière de sécurité du président Tshisekedi, justifiait ce rapprochement insolite en ces termes : « C’est pour défier le monde entier, surtout les occidentaux qui ne veulent pas que nos deux pays s’entendent ». Bien que désavoué par certains caciques du parti au pouvoir, le discours de François Beya avait mis la puce à l’oreille de quiconque se veut analyste averti.
D’après certains compte-rendu, ces dernières rencontres à Kinshasa, un plan opérationnel a été établi pour mener des actions conjointes, notamment contre les FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda), le CNRD (Conseil National pour la Renaissance et la Démocratie), l’Unité et la Démocratie-Urunana et l’ex-M23.
L’inclusion de l’ex-M23 semble assez paradoxale. Elle semble montrer la bonne volonté de Kigali qui, il y a peu, soutenait activement cette rébellion contre le gouvernent congolais rajoute-t-il.
Mais que peut-on attendre concrètement de ce rapprochement qui semble « contrenature » pour certains observateurs ?
A-t-on finalement trouvé la formule tant attendue pour résoudre le problème épineux de l’insécurité dans la partie Est de la RDC ?
Pierre Boisselet, qui s’est aussi penché sur la question, y voit trois risques substantiels : En premier lieu, il évoque la baisse de la cote de popularité de Félix Tshisekedi, déjà terni par une série de promesses à la population qu’il peine à réaliser. « On se souvient bien qu’en 2009, une opération similaire baptisée « UMOJA WETU » (notre unité) avait eu lieu. Elle avait certes affaibli certains groupes armés, mais elle avait aussi provoqué une crise politique à Kinshasa menant à des violations des droits humains », renchérit-il.
Boisselet voit en cette coopération, une coopération essentiellement militaire. Il estime que par instinct de survie, les groupes armés pourraient se mobiliser d’avantage et générer plus de violence que prévue. Par ailleurs, poursuit-il, la coopération semble exclure l’Ouganda et le Burundi qui ont toujours les relations tendues avec Kigali. Ces derniers pourraient craindre de perdre le contrôle de leurs zones frontalières, et s’impliquer directement ou indirectement en provoquant plus de violence.
Somme toute, cette coopération militaire est une panacée à court-terme. La solution à long-terme n’aura lieu que si l’armée congolaise devient autosuffisante et capable de sécuriser d’elle-même son terroir. Pour ce faire, elle doit être bien organisée, bien payée, bien équipée, incorruptible et impartiale.
Pendant ce temps, la sortie du Gouvernement se fait encore longuement attendre et les groupes armés continuent impunément de répandre la terreur dans la partie Est de la RDC.
Clarisse Mulenda