
Les grands amours des débuts semblent avoir cédé aux frustrations montantes dans l’Union Sacrée de la Nation. Serait-ce une autre alliance contre-nature déjà vouée à l’échec dès le moment où elle a été scellée ou encore des alliances politiques essentiellement basées sur les intérêts individuels, plutôt que sur une idéologie commune visant l’intérêt du peuple?
Les députés courroucés
Nous en sommes à l’heure de vérité, l’heure de faire les comptes… Le troupeau qui avait abandonné le FCC, se ruant à la suite du « Nouveau Pasteur » dans l’espoir de trouver les eaux fraiches et les verts pâturages, se retrouve désillusionné et frustré. Aurait-ce été un mouvement stratégique peu judicieux de leur part que de rejoindre le bercail de Felix Tshisekedi ? C’est la situation d’un invité à la table du festin qui se voit imposé de se contenter des miettes.
Près de deux cents députés ont, à travers un mémorandum adressé jeudi 15 avril 2021 au président de l’Assemblée nationale, exprimé leur désaccord vis-à-vis du Gouvernement Sama Lukonde. D’après eux, ce dernier n’a pas pris en compte la représentativité nationale comme l’alinéa 3 de l’article 90 de la Constitution le garantit.
L’UDPS rafle la part du lion.
Les dissidents du FCC n’ont pas eu part aux ministères régaliens tant convoités. Félix Tshisekedi a préféré confier ces ministères stratégiques, notamment l’Intérieur, la Justice, les Mines, les Finances, la Défense ou encore les Affaires étrangères à des membres de l’UDPS, son parti, ou à des personnalités issues de la société civile.
Non-respect du principe d’équilibre
Certains estiment que l’équilibre géopolitique n’a pas été respecté. Certaines provinces ont une prédominance très significative par rapport à d’autres. En effet, le Sankuru par exemple, est fortement représenté avec deux vice-primatures. Trois des cinq ministres de l’UNC viennent du territoire de Walungu, dans le Sud-Kivu alors que d’autres provinces affichent « zéro ministre » au compteur.
Le poids politique des partis, c’est-à-dire le nombre de leurs députés au parlement, n’a pas non plus été un critère décisif. Bemba, qui a 17 députés à l’Assemblée, a obtenu trois ministres [dont un vice-Premier ministre], et le regroupement politique de Steve Mbikayi [membre dissident du FCC], qui compte 5 députés, n’en a obtenu aucun.
« Un parti politique ( PT ) qui a 5 députés, soit 1 % des députés à l’Assemblée nationale où aucun parti n’a 10 %, ne peut être totalement absent dans un gouvernement issu de cette institution », a indiqué Steve Mbikayi via un tweet mardi 13 Avril. Plusieurs autres cas sont énumérés, notamment celui du regroupement politique de Jean-Claude Baende.
L’investiture du nouveau gouvernement en péril ?
Cette ébullition risque fortement de créer une dynamique à contre-courant au dépens de Felix Tshisekedi, au sein de l’Assemblé Nationale. Mercredi 14 avril à la chambre basse du parlement, les révolutionnaires ont crié haut et fort leur indignation tout en exigeant réparation.
Le 08 avril dernier, alors qu’il s’adressait aux députés membres de la plateforme parlementaire désormais acquise à Félix Tshisekedi, Jean-Marie Kabund leur a confié ce qui suit, « « dès que le Gouvernement sera publié, demain ou après-demain, les discussions commenceront pour les entreprises [publiques] ».
Mais comment, Jean-Marc Kabund, Mr. l’expert en prise en charge des ministrables recalés compte-t-il s’y prendre face à près de 200 insatisfaits? Ces derniers, ont-ils déjà réalisé que même les tours de magie n’assouviraient pas en masse leurs desiderata et préfèrent ainsi pencher pour une tour de babel?
Autrement, ce sera le boycott et le blocage de l’investiture du Gouvernement et l’engagement d’une procédure de destitution de l’actuel bureau de l’Assemblée nationale.
L’histoire semble vouloir se répéter, et le vent souffler dans le sens contraire du vent initial.
Le couplage du « peuple d’abord » à « l’Union Sacrée de la Nation » serait, au vu des critiques qui l’entourent, sur le point de déboucher sur une hécatombe. Pour les députés courroucés, le Gouvernement Sama Lukonde est la seule cible en vue. Joseph Kabila n’est peut être pas le dernier déçu. Et le peuple? On en parlera certainement. Rideaux!
Clarisse Mulenda