
La République Démocratique du Congo est une mosaïque des tribus dont les cultures et les traditions varient selon les aires géographiques, les époques et depuis la colonisation, l’on peut ajouter sans tergiversations, le niveau d’instruction. Le mariage en Rd Congo n’échappe pas à cette règle même si l’on pourrait relever des constantes communes à plusieurs tribus.
Jadis, le mariage se déroulait dans le strict respect de la tradition, qui voulait qu’il soit d’abord une alliance entre deux familles. Entendez, une relation pensée, concoctée et consentie par les parents. Accompagné de ses parents, l’homme (futur époux) se rendait dans sa future belle-famille non seulement pour demander la main de la future épouse, mais aussi pour s’enquérir des conditions à remplir pour aboutir au mariage.

Cela pouvait se faire avec ou sans le consentement de la future épouse. Pour celles qui évoquaient le manque d’amour, le code coutumier rétorquait avec le célèbre dicton: « L’amour viendra sous le toit conjugal «. L’approbation ou la bénédiction des parents était mise en avant au détriment du consentement des conjoints et dans ce cas de figure, la plus grande victime, était la femme parce que l’homme pouvait recourir à la polygamie pour remédier à sa frustration.
Le pacte entre les familles, les clans et les tribus avait un primat sur le consentement des futurs époux qu’on ne pouvait souvent appeler fiancés que par abus de langage. Certains mariages en effet, étaient décidés alors que l’homme et la femme n’étaient encore que des bébés. Les cadeaux échangés entre les deux familles les astreignaient au mariage à tout prix.
A ce jour, bien que diminuée en grande partie, cette pratique n’a pas encore connu une éradication totale, surtout dans le Congo profond. Il faut noter cependant qu’au fil du temps, elle s’est démocratisée et la majeure partie des prétendants a eu la liberté de consulter leurs partenaires avant de procéder à la visite familiale.
Relevons néanmoins que les contacts avec d’autres cultures et même d’autres continents ont eu un impact considérable sur le peuple Congolais. Les demandes en mariages faites aux femmes elles-mêmes avec une bague des fiançailles à l’appui sont de plus en plus fréquentes. Bien qu’appréciée par quasiment toutes les personnes que nous avons contactées, cette nouvelle tendance n’est pas vue de la même façon.
C’est le cas de Lopaka Osongo Daniel, pasteur et détenteur de deux diplômes de licence dont un en Théologie et un autre en Mathématiques appliquées. Marié depuis 2004 à Lodja dans la province du Sankuru où il vit, il soutient une demande en mariage faite à la femme tout en revenant sur l’importance du consentement des parents. Pour lui, « la femme doit avoir l’approbation de ses parents avant de dire oui parce que le mariage est une affaire de deux familles. Cela ne veut pas dire qu’elle doit laisser planter l’homme avec la bague en mains et courir chercher la réponse de ses parents ».
Il soutient en outre que loin d’être une tendance nouvelle, les fiançailles avec bague à l’appui sont un héritage de la civilisation chrétienne. D’où, la nécessité de les faire dans le strict respect de la volonté des parents, mais aussi des futurs mariés. « Toute femme à l’âge de contracter un mariage doit être à même de déduire l’avis de ses parents vis-à-vis de son prétendant et je présume qu’elle ne dira oui que si elle est convaincue de ce qu’en pensent ses responsables ».

Il renchérit, « avant de donner la bague à celle qui est aujourd’hui mon épouse, je lui ai demandé de se renseigner auprès de sa famille afin de savoir si cette dernière n’était pas opposée à l’idée de me voir l’épouser. C’est donc après avoir eu toutes les certitudes sur diverses compatibilités tant sur le plan social que sanitaire, que j’ai franchi le premier pas avec ma dulcinée ».
De son coté, marié depuis 2020 et basé à Kimpese dans la province du Kongo Central, Elvis Boboto, détenteur d’une licence en sciences de l’information et de la communication a effectué sa demande en mariage en 2019. « J’ai commencé par aller voir les parents de ma petite amie afin de faire une promesse de mariage et 6 mois après, j’ai effectué ma demande surprise devant quelques membres de nos deux familles sur le pont Vampa ; avec l’idée de rendre public le témoignage et d’immortaliser nos fiançailles », raconte-t-il.
Conscient du fait que la pratique est importée, ce banquier plaide pour que ce geste intervienne après une période d’observation. « L’on ne peut fiancer une personne sans au préalable, la connaitre et avoir l’aval de ses parents. Je suis pour une demande en mariage faite dans le respect de ce que j’ai évoqué ci-haut ».
FLorence Ngolole Lolia a eu sa demande sur le boulevard du 30 juin sous les regards étonnés des agents de la SCPT et des passants en mai 2017, soit 2 mois avant son mariage. « J’ai dit oui et je ne le regrette pas parce que tous mes projets se poursuivent et évoluent comme je l’ai toujours voulu. A l’époque, je devais me rendre au Canada pour un master, je devais donc choisir entre le mariage et les études. Au boulot, mes chefs ont respecté ma volonté et j’ai gardé mon travail. Ma mère était la plus heureuse ».
Par ailleurs, elle pense que tout bon parent se doit d’avoir foi aux jugements de son enfant: « Je ne vois pas pourquoi un parent qui a inculqué des bonnes valeurs à son enfant a besoin de courir après ce dernier pour se rassurer que son choix est bon. L’homme décide quand est-ce qu’il est prêt à faire sa demande, si la femme n’y trouve aucun inconvénient, je ne vois pas pourquoi la famille s’y opposerait ».
Basé à Kinshasa, Range Niati dit ne pas comprendre l’importance d’une demande en mariage ou mieux d’une bague des fiançailles. « Dans ma famille, dit-il, il y a la pré dot. On part rencontrer la famille de la femme pour une éventuelle présentation et celle-ci prépare une facture en vue de la dot à venir. On assiste à des scènes telles que, la femme dit déjà oui avant même que la famille soit informée, alors que celle-ci aura son mot à dire. J’essaie de comprendre quand la bague doit intervenir, parce que je ne sais demander en mariage une femme pour laquelle, j’ai déjà une facture ; c’est un scénario ou mieux un théâtre ».
A la question de savoir pourquoi sa femme a, en son temps porté une bague des fiançailles, il rétorque: « Ma fiancée avait insisté pour avoir une bague, je lui ai donné l’argent pour qu’elle s’en achète. Il n’y a pas eu de genou à terre, elle voulait être convaincue qu’elle est promise, j’ai contribué en mettant à sa disposition, les moyens financiers. Le reste ne me concerne pas. Ce geste copié et collé de la culture occidentale n’est pas ma tasse de thé. Cela, non pas parce que je suis raciste, mais parce que je ne vois pas dans quelle séquence l’insérer ».
Pour Idriss Okenge, avocat au barreau de Kinshasa/Matete, c’est plus un scénario qu’une nécessité. Pour cet ancien séminariste catholique, « il est impérieux de comprendre qu’en Afrique et précisément en République démocratique du Congo, le mariage est une institution d’une importance telle que le sérieux qu’on y accorde se situe à l’orée du sacro-saint. Du coup, ce n’est déjà pas à sa future épouse que l’homme va demander le mariage. Il est plutôt demandé à l’homme de »sortir » auprès des parents pour leur demander la main de sa future épouse. On utilise l’expression »kobima epayi ya ba boti » en lingala (se présenter aux parents) ce qui suppose qu’il y a eu une étape secrète au cours de laquelle les deux futurs époux ont eu à se mettre d’accord ».
« Ainsi donc, au-delà d’un simple contrat entre l’homme et la femme, le mariage en République démocratique du Congo se veut être une alliance entre deux familles. Pouvez-vous maintenant évaluer plus ou moins la charge sémantique, culturelle et mystique du mariage en République Démocratique du Congo ? Cela n’existe pas ou plus en Occident d’où nous vient la culture de demande où l’homme s’arrange à surprendre la femme, lui présentant une bague généralement en présence des amis ou en public ; le tout avec une génuflexion un peu ridicule. Aussi glamour que ça puisse paraître, cela ne peut en aucun cas, en République démocratique du Congo, être opposable aux parents de deux familles. La demande en soi ne peut être considérée comme l’acte fondateur du mariage ».
Il conclut en ces termes: « À Kinshasa et d’autres grandes villes de la RDC, cette pratique a été popularisée à la faveur des télé novelas, des films et feuilletons occidentaux et surtout par les réseaux sociaux. C’est donc, ni plus ni moins une théâtralisation d’un événement dont le scénario est écrit à l’avance, c’est d’ailleurs pour cela que l’on s’arrange pour que le moment de la demande en mariage soit une surprise parce que le reste n’est pas du tout une surprise ni pour l’homme ni pour la femme, encore moins pour les amis ».
Il sied également de signaler, qu’il existe une catégorie des femmes qui se sont procurées des anneaux des fiançailles quelques années après le mariage. Approchées par la rédaction, certaines ont évoqué le manque des moyens financiers pour s’en procurer, d’autres ont relevé le fait que leurs partenaires n’adhéraient pas à l’idée et qu’elles s’en sont procurées après pour satisfaire ce qu’elles qualifient de vide dû à l’évènement manqué. Malheureusement, aucune d’entre elles n’a accepté d’être citée.
Il n’existe pas jusque-là, une étude ayant prouvé sans l’ombre d’un doute, l’incompatibilité totale entre la tradition et la modernité. Par contre, il est évident de marteler sur l’attention à accorder au mariage et à tout ce qui rentre dans le cadre des préparatifs pour éviter de semer le chaos. Il est impossible d’imaginer un monde sans échanges culturels en plein 21è siècle. En soi, il n’est pas mauvais de copier les pratiques venant d’autres cieux tant qu’elles sont perçues comme une certaine modernité. Mais, il importe d’en comprendre la portée symbolique voire culturelle. Sinon, il suffit de trouver un juste équilibre.
Clarisse Mulenda
La présentation de l’anneau de fiançailles c’est bien en ordre, là où ça exagère un peu c’est quand le futur fiancé va jusqu’à s’agenouiller, sous prétexte de la romance. Plus loin encore, certains baisent même cette bague après l’avoir fait porter son partenaire. On frôle l’idolâtrie.